Dans le processus d’adoption du projet de loi-cadre relatif à la protection sociale, Mohamed Benchaâboun a remporté la première manche. En effet, devant la Chambre des conseillers, le texte a été adopté en commission et en séance plénière mardi, sans apporter le moindre amendement. Il est programmé pour aujourd’hui au niveau de la Commission des finances de la Chambre des représentants. La plénière est attendue pour ce vendredi.
Pour le ministre des Finances, ce projet de loi-cadre a été préparé selon le cadrage royal et le calendrier d’exécution qui s’étale sur une période de 5 ans. Son approbation définitive sera suivie de plusieurs réformes thématiques où les parlementaires, particulièrement les syndicalistes, auront le loisir d’apporter les changements qu’ils souhaitent. En tout cas, dans son discours en séance plénière mardi, le ministre des Finances a affirmé que ce projet est principalement destiné à la protection des pauvres, des catégories vulnérables et des familles à revenus limités.
L’objectif est de «les protéger contre les risques de l’enfance, la maladie, la vieillesse et la perte d’emploi», a noté Mohamed Benchaâboun. Il s’agit de cibler la couverture médicale de 22 millions de marocains dont 11 millions sont affiliés au Ramed dans sa forme actuelle. Les 11 millions restant sont composés de professionnels, de commerçants, d’agriculteurs, d’artisans et des professions libérales.
Ils vont tous bénéficier de la même assurance maladie obligatoire (AMO). Il a précisé que c’est l’Etat qui prendra en charge les cotisations des 11 millions d’adhérents du Ramed. Ce coût est estimé à 9 milliards de DH, soit une hausse de 7 milliards de DH comparativement aux dépenses actuelles destinées à l’achat des médicaments dans le cadre de ce régime.
La loi de finances 2021 a consacré 4,2 milliards de DH pour cet effet. En tout cas, selon le calendrier établi, les adhérents du Ramed vont basculer dans le cadre de l’AMO à partir de 2022. Ils vont bénéficier d’un panier de soins identique à celui des salariés du secteur privé, indique-t-il.
Le ministre a rappelé que toutes les familles, particulièrement les pauvres avec des enfants ou non, vont bénéficier d’allocations de protection contre les risques de l’enfance ou des indemnités forfaitaires. Et cela, à travers un ciblage plus efficace, sur la base du Registre social unifié (RSU). Le coût de cet appui en faveur des familles s’élève à 20 milliards de DH par an dont 14,5 milliards de DH au titre des allocations familiales au profit des ménages pauvres.
L’élargissement de la base des adhérents aux systèmes de retraite devra englober les personnes qui travaillent mais ne bénéficient d’aucune pension. Il touchera les professionnels, les indépendants et les personnes non salariées mais qui exercent une activité privée. Dans cette partie, il est important d’adopter les mécanismes nécessaires, particulièrement en ce qui concerne la simplification des procédures de paiement et de recouvrement des cotisations pour ce régime.
A cela s’ajoute la généralisation du bénéfice de l’indemnité pour perte d’emploi (IPE) à toute personne ayant un travail stable. Cela doit passer par la simplification des conditions pour profiter de cette indemnité et par l’élargissement de la base des bénéficiaires.
■ Coût de la généralisation de la protection sociale:
• 51 milliards de DH par an dont:
– Extension de l’AMO: 14 milliards de DH
– Généralisation des allocations familiales:
20 milliards de DH
– Elargissement de la retraite: 16 milliards de DH
– Généralisation de l’IPE: 1 milliard de DH.
■ Deux mécanismes de financement:
• Cotisations: 28 milliards de DH
• Principe de solidarité: 23 milliards de DH.
Projet sociétal pionnier
Pour le ministre, la nature des débats et des interventions des conseillers montre qu’il s’agit de la mise en œuvre d’un projet sociétal pionnier, qui nécessite la mobilisation de 51 milliards de DH par an. Il exige aussi d’amender plusieurs textes législatifs et réglementaires ainsi que la préparation de nouveaux. Il est également impératif de lancer d’autres réformes structurelles qui concernent l’écosystème de santé, y compris la mise à niveau des établissements hospitaliers, le respect de la filière des soins, la promotion des ressources humaines et le développement d’un système d’information performant. A la clé également, la réforme du système de la compensation en vue de traiter les dysfonctionnements au niveau du ciblage des catégories sociales concernées par les subventions. Et cela se fera en parallèle à l’entrée en vigueur du RSU. Ce dispositif ne peut prendre forme sans développer les aspects liés à la gouvernance des organismes d’assurance sociale. Le but est de mettre en place une instance unifiée pour la coordination et la supervision des systèmes de protection sociale.
Autres financements
Le ministre a rappelé sa volonté de veiller à l’implication de tous les intervenants dans l’opération de mise en œuvre, y compris les partenaires sociaux. L’Etat mettra en place les moyens pour disposer de ressources financières fiscales pour la mise en œuvre de cette réforme. Cela se fera soit à travers la mobilisation des marges financières consécutives au regroupement des différents programmes actuels de soutien, marqués par la dispersion et l’absence d’efficience. Idem pour les ressources fiscales dédiées, à l’instar de la contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et les revenus. Le ministre a également cité la TIC appliquée dans le cadre de la loi de finances de 2021 et les dotations budgétaires de l’Etat.
Mohamed CHAOUI